EFT ET EMDR
... stimulation bilatérale, exposition et levée du trauma
Comparaison phénoménologique de l’EMDR et de l’EFT : stimulation bilatérale, exposition, et levée du trauma
Introduction
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) et l’EFT (Emotional Freedom Techniques) sont deux approches thérapeutiques orientées trauma qui combinent, chacune à leur manière, activation émotionnelle, stimulation sensorielle et désensibilisation. Si leurs fondements théoriques diffèrent (neuropsychologie vs énergétique), leur efficacité respective est aujourd’hui suffisamment reconnue pour mener une réflexion comparative.
Dans cette présentation, nous nous attarderons particulièrement sur :
- la présence du tapping comme modalité de stimulation bilatérale (BLS),
- l’intégration de l’exposition, concept hérité des thérapies comportementales et cognitives (TCC),
- les résultats thérapeutiques observés (désactivation de la mémoire traumatique, apaisement émotionnel, restructuration cognitive),
- et les ressentis subjectifs des patients.
- Fondements théoriques et modèles d’action
Dimension | EMDR | EFT |
Origine | Francine Shapiro, 1987 | Gary Craig, 1995 (inspiré de la TFT de Roger Callahan) |
Modèle explicatif | Traitement adaptatif de l’information (TAI) | Perturbation du champ énergétique corporel |
Hypothèse centrale | Le trauma résulte d’un blocage dans le traitement neurocognitif de l’expérience | Le trauma crée une perturbation dans le système énergétique corporel |
Objectif thérapeutique | Réintégration adaptative de l’événement traumatique dans le système mnésique | Dissolution de la charge émotionnelle via rééquilibrage énergétique |
2. Mécanismes d’action (comparés et expliqués)
A. Double attention / Surcharge de la mémoire de travail
Mécanisme :
Le sujet porte attention simultanément à :
- un contenu émotionnel ou cognitif perturbant (souvenir, croyance, peur),
- une tâche secondaire (mouvements oculaires, tapping, sons…).
Ce coût cognitif réduit la vivacité du souvenir ou de l’émotion, ce qui permet une prise de distance émotionnelle et un retraitement moins défensif.
Principalement présent en EMDR :
C’est un pilier central du modèle AIP. La surcharge de la mémoire de travail est fortement documentée dans l’EMDR comme facteur de désensibilisation émotionnelle.
Possiblement présent en EFT :
Bien que non théorisé ainsi, le fait de répéter une phrase émotionnelle tout en stimulant le corps via le tapping pourrait mobiliser une forme légère de double tâche (langage + rythme corporel), mais avec moins de charge cognitive que l’EMDR.
B. Stimulation bilatérale (BLS)
Mécanisme :
Stimulations alternées gauche/droite (tactiles, auditives, visuelles) activant alternativement les hémisphères cérébraux, favorisant :
- intégration entre émotionnel (hémisphère droit) et rationnel (gauche),
- réduction de l’intensité affective,
- état de relaxation/détachement.
Présent dans l’EMDR (de façon centrale) :
Le BLS est volontaire, structuré, rythmique, et calibré (mouvements oculaires ou tapping alterné sur un tempo précis). Son but est de faciliter la désensibilisation et l’intégration cognitive.
Présent dans l’EFT (de façon implicite) :
Le tapping sur des points bilatéraux produit une stimulation rythmée du corps, souvent en alternance. Ce n’est pas labellisé comme “BLS” dans l’EFT, mais les effets sont proches sur le système nerveux autonome (activation parasympathique, apaisement).
Sources : NCBI
C. Activation neuronale et neuroplasticité
Mécanisme :
Des études montrent, notamment en EMDR, que le traitement de souvenirs émotionnels mobilise :
- l’amygdale (réactivité émotionnelle),
- le cortex préfrontal (régulation),
- l’hippocampe (mise en contexte).
La répétition du processus mène à une réduction de l’activation limbique et à une reconfiguration des circuits cérébraux.
Documenté pour l’EMDR :
La neuroimagerie et l’EEG montrent un changement de connectivité fonctionnelle après des séances EMDR.
Suspecté pour l’EFT :
Certaines recherches montrent des modifications épigénétiques, une baisse du cortisol, et une amélioration de la HRV (variabilité cardiaque), ce qui suggère des effets sur la régulation du stress via des voies neurovégétatives, même si les effets structurels cérébraux restent moins étudiés que pour l’EMDR.
Sources : NCBI, OnlineScientificResearch, Frontiers EFT
D. Activation émotionnelle suivie d’habituation
Mécanisme :
Les techniques amènent volontairement le sujet à réactiver une émotion ou une mémoire perturbante (exposition), tout en maintenant un état de sécurité.
Cela crée une désactivation progressive du système d’alerte (notamment l’amygdale), par habituation ou par inhibition réciproque.
Central en EMDR :
La montée émotionnelle est encouragée lors des séries de stimulations, suivie d’une phase de retour au calme, pour favoriser une désensibilisation rapide et durable.
Présent en EFT :
L’évocation émotionnelle est intégrée au protocole : la phrase “Même si je ressens X, je m’accepte…” permet une exposition douce, en y associant une auto-affirmation régulatrice. Le tapping réduit progressivement l’intensité de l’émotion.
Source : PMC
Résultat final commun
Effet observé | EMDR | EFT |
Désensibilisation émotionnelle |
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Intégration cognitive du souvenir |
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Régulation physiologique (cortisol, HRV) |
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Sentiment de dégagement / apaisement |
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- L’exposition : point de convergence avec la TCC
Malgré leur distance apparente avec les TCC, les deux approches intègrent une forme d’exposition — centrale en thérapie comportementale — bien qu’elle soit modulée différemment :
EMDR
- L’exposition est inhérente au protocole standard (Shapiro, 8 phases) : le patient est invité à revivre le souvenir cible (image, croyance négative, sensation corporelle).
- Le processus est dirigé : le souvenir est réactivé de manière contrôlée, sans évitement, pour permettre son retraitement.
- L’exposition est prolongée sur plusieurs séries, jusqu’à désensibilisation complète (SUD = 0).
EFT
- L’exposition est également présente, mais brève et associée à des techniques d’auto-apaisement.
- Le patient est invité à évoquer la scène problématique ou la croyance limitante, tout en tapotant les points d’acupuncture.
- Cette exposition n’est pas immersive : elle est souvent fractionnée (“thérapie de la pièce de film”) pour éviter la surcharge.
Conclusion : Les deux méthodes emploient une exposition émotionnelle, mais avec des modalités différentes :
- EMDR : exposition immersive, progressive, liée à un retraitement neurologique.
- EFT : exposition courte, couplée à une régulation immédiate (tapping), favorisant la sécurité psychique.
- Similitudes cliniques : effets observés et ressentis
Élément observé | EMDR | EFT |
Désactivation émotionnelle | Charge affective liée au souvenir neutralisée progressivement | Soulagement souvent rapide, “comme si le problème glissait” |
Réinterprétation cognitive | Restructuration spontanée : croyances positives émergent naturellement | Affirmations verbales facilitent un recadrage cognitif immédiat |
Effets somatiques | Relâchements, soupirs, changements posturaux | Idem, plus fréquemment accompagnés de bâillements, rires ou larmes |
Sensation subjective | “Le souvenir est toujours là, mais il ne me fait plus rien” | “Je peux penser à ça sans émotion, comme si ce n’était plus à moi” |
- Différences notables : intensité, structure et autonomie
Critère | EMDR | EFT |
Intensité émotionnelle | Parfois élevée ; le patient peut vivre des abréactions | Moins intense ; désactivation rapide grâce au tapping |
Structure du protocole | Très codifiée : 8 phases, cadre strict | Plus souple, facilement auto-administrable |
Rôle du thérapeute | Guide actif du processus, régule l’exposition | Facilitateur, enseignant d’un outil que le patient peut s’approprier |
Intégration post-séance | Le retraitement continue après la séance | Résultat souvent immédiat ; parfois besoin de répétition |
- Données empiriques comparées
EMDR
- Recommandé par l’OMS, l’INSERM, l’APA pour le TSPT.
- Plusieurs méta-analyses montrent une efficacité comparable ou supérieure à la TCC.
EFT
- Études moins nombreuses mais croissantes : plusieurs essais contrôlés randomisés (RCT) montrent son efficacité pour les :
- troubles anxieux,
- phobies,
- douleurs chroniques,
- traumatismes modérés.
- Efficacité comparable à la TCC dans certaines études (Church, Feinstein).
L’EFT souffre d’un déficit de reconnaissance institutionnelle, souvent en raison de ses bases énergétiques. Pourtant, ses résultats sont consistants et reproductibles, notamment pour des troubles à charge traumatique légère à modérée.
- Vers une complémentarité thérapeutique ?
De nombreux cliniciens intégratifs observent une synergie possible entre les deux approches :
- EFT en préparation à l’EMDR : pour stabiliser, réguler et construire une alliance thérapeutique.
- EFT en consolidation post-EMDR : pour renforcer les cognitions positives, ou gérer les résurgences.
- Certains thérapeutes EMDR intègrent le tapping EFT comme BLS alternatif pour certains patients (hypersensibles, somatisants).
Conclusion
L’EMDR et l’EFT se rejoignent sur plusieurs points essentiels :
- activation contrôlée du souvenir traumatique,
- stimulation sensorielle (incluant le tapping bilatéral),
- désensibilisation rapide de l’affect,
- émergence de nouvelles cognitions adaptatives.
Là où l’EMDR travaille en profondeur sur les réseaux mnésiques, l’EFT opère plus rapidement sur le versant émotionnel et somatique, parfois avec moins de mise en reviviscence. Chacune a ses forces, ses indications, et ses contre-indications.
Leur complémentarité ouvre des voies intéressantes pour une psychothérapie souple, modulaire et respectueuse du rythme du patient, tout en gardant des points d’appui issus de la TCC (exposition) et des neurosciences (BLS).
